Author(s): Eyüp ÖZ
Pour plusieurs raisons, l’année 1930 peut être définie comme un véritable tournant pour la Turquie. En raison des réformes religieuses radicales du pouvoir kémaliste et du mécontentement social croissant dû à la Crise économique, le pays est acculé à changer sur deux points essentiels : l’étatisme économique et le système politique pluraliste. Créé par ordre personnel de Mustafa Kemal comme pure produit d’ingénierie politique envisageant la réalisation simultanée de cette double orientation, le Parti libéral républicain avait pris sa place dans l’Histoire, le 12 août. Or, l’accueil de Fethi Okyar à Smyrne comme un rédempteur renversa toutes les prévisions. Rompant avec son impartialité, le Président de la République a dû réaffirmer son attachement au Parti républicain du peuple ; du même coup, les élections municipales furent marquées par la rivalité Mustafa Kemal-Fethi Okyar. L’opposition eut du succès aux élections en dépit de la légitimation de toutes les injustices et de toutes les coercitions étatiques. Malgré la dissolution inattendue du Parti libéral, son électorat continuera d’exister pendant plusieurs mois encore. La riposte disproportionnée contre une insurrection messianique singulière ne rendait pas pour autant possible l’assimilation de la contestation sociale. Cette vague insurrectionnelle née à Magnésie et échouée à Menemen le 23 décembre 1930 avait secoué les assises du pouvoir par l’assassinat d’un sous-officier. Les poteaux d’exécution dressés sur les places publiques à l’issue de l’Incident faisaient partie intégrante de l’ingénierie sans égale de la peur qui avait désintégré la coalition contestaire. La notion de libéralisme est ainsi devenue synonyme de violence et les opposants libéraux ont été réduits au silence par crainte de la réaction religieuse.
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